Une première à 89 ans

Ballades d'Ahmad Jamal




Légende vivante à la fois du piano, du jazz et de la musique, Ahmad Jamal a sorti le 13 septembre un dernier opus pour le moins inhabituel. L'originalité de "Ballades" réside dans le fait que le natif de Pittsburgh a pour la première fois de sa longue et prestigieuse carrière enregistré un album en solo (à l'exception de trois morceaux où James Cammack, son fidèle contrebassiste fait quelques petites apparitions: "Marseille", "So Rare", "Spring is Here/Your Story"). Exercice périlleux.

Le pianiste préféré de Miles Davis a choisi des ballades pour s'exprimer en solitaire et nous faire partager ses impressions. Jamal a mélangé compositions et standards. L'album s'ouvre d'ailleurs avec "Poinciana" joué sur un tempo volontairement plus lent mais tout en gardant un côté latin et aérien. Cette reprise est souvent considérée à tort comme une création de l'artiste à tel point qu' il en a fait une pièce maîtresse de son répertoire. Le toucher est fluide et léger à l'image du pianiste qui a toujours su garder une finesse de jeu inouïe. Le lyrisme demeure.

Petit ou plutôt grand bémol toutefois: d'une manière générale, on a du mal à s'emballer et cela n'a rien à voir avec la tranquillité des pièces interprétées. La qualité (et du haut de ses 89 ans qu'il a fêté le 2 juillet, Ahmad Jamal est en pleine forme techniquement et rythmiquement) est certes présente mais on peine à véritablement décoller. Celui qui était si innovateur à ses débuts nous livre un CD doux, intime sans pour autant apporter quelque chose de neuf. C'est toujours un plaisir d'écouter une icône comme Jamal mais pour ma part il manque la petite étincelle malgré l'équilibre entre pièces personnelles et classiques de la musique américaine appris à l'âge de 12 ans par le jazzman dans le club où jouait Art Tatum. Pas assez de compositions? Peu de changements? Album trop calme?Absence d'innovation? Autant de questions que je me pose! D'un côté, c'est difficile de se montrer toujours intéressant musicalement et de varier, surtout en solo. Une grande virtuosité, une connaissance immense de l'instrument ainsi qu'une expérience énorme ne font de loin pas tout.

Cependant, "Marseille" sort du lot et nous rappelle à quel point le musicien est lié à la France, trois ans après un hommage discographique à la ville de Pagnol. Nous avons là le morceau le plus beau et le plus abouti de l'oeuvre. Celui dans lequel la délicatesse de Jamal dont l'éloge n'est plus à faire ressort le mieux. Une pièce qui commence de façon assez imposante à l'image d'une cérémonie pour ensuite glisser danse le romantisme le plus pur.

Mention spéciale donc à "Marseille", petite perle dans cette galette. Le reste est très bien mais sans plus d'où ma déception. Très agréable à l'écoute mais je m'attendais à mieux, à plus. C'est beau, propre, précis, bien exécuté mais je reste sur ma faim. Je préfère très nettement les albums en trio(une référence en la matière) des débuts ou plus récemment en groupe. Une première en solo qui me laisse perplexe mais qui ne doit pas nous faire oublier la merveilleuse carrière d'un des plus grands pianistes de l'histoire du jazz et de la musique.

Poulos

 

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