"Le Surdoué Cubain" & Friends


Yesun de Roberto Fonseca







C'est décidément à la mode de réunir des amis musiciens autour de soi pour la réalisation d'un nouvel album. Il nous a déjà été donné de voir cette invitation à jouer plus d'une fois par le passé et le futur apportera encore son lot de merveilles à ce sujet. Roberto Fonseca a trempé sa plume pour écrire avec ses compagnons de fortune une nouvelle page de son incroyable histoire. "Yesun" sorti le 18 octobre se veut comme une fête, une cérémonie, une réunion à la fois pétillante et magique. Le pianiste cubain né le 29 mars 1975 à La Havane a toujours baigné dans la musique puisque son père, Roberto Fonseca Sr était batteur et sa mère, Mercedes Cortes Alfaro était chanteuse. Des influences importantes qui ont marqué le jeune prodige.

Pour en revenir à l'album, ce dernier s'ouvre avec "Kachucha"qui démarre comme "Caravan" de Duke Ellington puis une salsa énergique et démente s'installe. La trompette du génial Ibrahim Maalouf en soliste somptueux apporte encore plus de folie et de dynamisme à l'oeuvre.

Plus loin, on trouve "La Ilamada" en compagnie de Gema 4, un fabuleux choeur féminin cubain dont la douceur nous rappelle le Trio Esperança. Les arrangements vocaux en doubles voix à la tierce sont d'une virtuosité remarquable. Les voix, si précises, ainsi que la main gauche dans les basses du piano nous emportent dans ce groove medium cool. Pour notre plus grand bonheur, les chanteuses reviendront sur le titre "Mambo Pa La Nina": danse ultra énergique avec en alternance la jouerie du piano et de l'orgue Hammond.

L'orgue Hammond si cher à Roberto Fonseca fera son retour sur "Cadenas", une pièce plus rock-funk mais point fermée. La voix de Danay Suarez nous entraîne, le slap de la basse est cool et palpitant. Le dynamisme est au rendez-vous. Avec une fin dans un rap espagnol, le côté urbain prend son envol.

"Vivo" avec l'excellent saxophoniste Joe Lovano, qu'on ne présente plus, bouge à fond grâce à l'apport de percussions omniprésentes. Au début, un son latino-pop à l'image de Carlos Santana prend place puis un latin jazz plus pur termine cette composition. Le tout soutenue par la technique impressionnante des multi-claviers.

Le pianiste nous rappelle qu'il est aussi un chanteur extraordinaire dans "Stone Of Hope", ballade tranquille aux jolies harmonies pop. Le rythme s'accélère peu à peu au contour d'une impro titanesque.

"Por Ti", aux allures de musique classique, nous invite à la relaxation pour commencer. C'est calme, romantique. Un violon magnifique fait le thème tandis que le piano sur des airs de Michel Camilo accompagne. Puis les notes s'en vont crescendo pour arriver à un final pop-rock. A la fin, le violon intervient à nouveau et on s'éteint progressivement. La structure est un peu décousue dans le sens où plusieurs parties différentes qui n'ont pas forcément un rapport entre elles se succèdent mais... c'est tellement beau et bien exécuté qu'on en oublie ce détail.

Avec "Aggua", on s'éclate sur un latino super rythmé. Les chants cubains nous inondent de soleil. La modernité est au rendez-vous. Le groove est à son maximum. Quant au piano, son solo nous régale et nous éblouit de sa virtuosité.

Il y a aussi des hommages à d'autres styles dans cette galette. J'en veux pour preuve "Motown"dont les touches soul-funk se mélangent aux sons electro des années 80. Le Fender Rhodes apporte une originalité et heureusement car on manque de points de repère malgré une interprétation hors norme.

Le nom étrange de "OO" est le titre d'une semi-ballade pop-electro jouée à l'orgue avec cette fois une couleur années 60. Une voix surgit à l'intro et nous dirige dans un contexte plutôt bizarre.

"Ocha" sonne comme un latin-jazz cool et énergique aux allures pop avec une basse qui groove. Les improvisations énormes nous emballent dès les premières notes.

Avec "No Soy De Esos", la voix planante nous porte dans un univers superbe et apaisant.

Pour terminer, le morceau "Clave" est une fête cool avec de traditionnels chants cubains, des percussions qui amènent une énergie folle. Le grand mélange pop-jazz-latino se fait entendre à nouveau avec cette fois ci des effets electro combiné à la voix, système souvent utilisé par Roberto Fonseca. C'est cool sans être la meilleure pièce de l'album.

Un premier mot me vient à l'écoute de ce disque: générosité. Celle d'un musicien sublime qui joue avec les genres, qui manipule les sons à sa guise. Celle d'un pianiste fou qui n'a pas peur de s'aventurer dans différentes contrées. Celle d'un surdoué qui pour nous concocter une nouvelle recette sait bien s'entourer.

Poulos


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