Les Humeurs Changeantes

Lune Rouge d'Erik Truffaz




Premier article de 2020 mais au sujet d'un album sorti le 11 octobre 2019. Non pas qu'il soit passé inaperçu, loin de là, mais il y a tellement de choses qui sortent, qu'il est difficile d'écrire sur tout.
Erik Truffaz est revenu dans sa formule de prédilection en quartet avec un dernier disque intitulée "Lune Rouge" accompagné de ces complices de longue date: Benoît Corboz au piano et différents claviers, Marcello Giuliani à la basse (musicien lausannois au parcours riche et impressionnant, membre fondateur du Erik Truffaz Quartet) et Arthur Hnatek à la batterie. Le soucis de la variation et du mélange des genres ainsi qu'une modernité sont toujours au rendez-vous du groupe.

Le ton est donné avec "Cycle by Cycle", morceau planant dans un style jazz-electro-pop. Le trompettiste franco-genevois est fidèle à lui-même et nous fait vibrer avec un son pur qui nous rappelle souvent celui de Miles Davis. Les mélodies sont subtiles, délicates et surtout à l'économie dans le sens ou on sent que les bonnes notes sont jouées au bon moment. La prestation des musiciens est excellente en particulier celle de Marcello Giuliani à la basse qui est d'une précision remarquable. Un groove magnifique. A ce niveau là, c'est du velours rythmique. La pièce se termine de façon plus énergique avec un côté disco-rock.

Plus loin, "ET Two" est une composition longue qui ressemble à "Cycle by Cycle" au début puis un son planant à la sauce synthé années 80 intervient.

La même ambiance resurgit dans "Lune Rouge", titre de l'album avec toutefois un très bon solo de batterie d'Arthur Hnatek peu avant la fin ce qui apporte plus de pêche et d'originalité.

"Five On The Floor" tient sa particularité de la présence du fender au milieu ce qui donne plus de chaleur et de volume. En dehors de ce passage, l'atmosphère se veut assez identique aux morceaux cités précédemment. A l'image d'une longue symphonie développée en plusieurs parties qui sont elles-mêmes entrecoupées d'interludes très courts comme "Tanit", "Alhena" et "Algol". L'état d'esprit de l'oeuvre demeure.

Ce qui varie dans cet album, c'est l'apparition d'autres morceaux différents. Un changement d'air qui apporte de la couleur à l'ensemble. Il y a l'étrange et bizarre "Tiger in The Train" et son lot de sonorités abstraites et suraiguës au début le tout porté par une rythmique sublime à la basse. Ensuite, la batterie s'emballe et nous transporte. La trompette en sourdine interprète un thème doux puis l'electro très particulier fait son retour à la fin. Cette composition à part est semblable à une succession de séquences

Avec "Reflections", ballade soul, calme, cool, le changement continue en la compagnie du chanteur américain José James. Les arrangements sont fabuleux, sur une musique urbaine et on a le plaisir de réécouter un peu de piano acoustique. Erik Truffaz se mue en sideman de luxe derrière la voix.

"She's The Moon" est la deuxième pièce chantée avec cette fois Andrina Bollinger. C'est une ballade pop aux harmonies plus recherchées que "Reflections". La voix est douce, chaude. Le fender ainsi que d'autres voix superposées soutiennent la soliste. A partir du milieu, cela devient plus entraînant et une très belle énergie est déployée à la fin.

Il y a encore "Nostalgia", ballade pop-rock-jazz avec une fois n'est pas coutume une guitare en introduction. L'ambiance est douce, calme, tranquille et le morceau porte véritablement bien son nom. Deux parties mélodiques bien distinctes se font entendre.

Pour terminer, le merveilleux "Houlgate" nous plonge dans une soirée brumeuse. Cette composition aux allures classiques est un duo somptueux entre le pianiste Benoît Corboz (et quel bonheur de retrouver le son du piano) et Erik Truffaz. Une histoire s'écrit. Cette dernière pièce fait penser à une musique de film. Le thème sobre et les improvisations s'enchaînent puis on conclut avec de très belles impressions.

Au final, un album sans grande surprise et peut-être moins original voire abouti que les précédents mais qui reste magnifique à l'écoute et magistral au niveau de l'interprétation. Mention spéciale à "Houlgate", extraordinaire de romantisme et à "Cycle by Cycle", symbole musical de l'oeuvre. Le disque est varié, les couleurs se succèdent, les idées fusionnent, les pensées s'illuminent sous la lumière d'une lune aux humeurs changeantes.

Poulos



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