Chambre avec vues sur la liberté

New Visions d'Enrico Pieranunzi



C'est toujours un événement quand une légende du jazz sort un nouvel album. Enrico Pieranunzi ne déroge pas à la règle. Avec New Visions, sorti le 16 août 2019 sur le label Storyville Records, le pianiste italien nous embarque dans un périple dont il a le secret et nous régale une fois de plus à chaque halte pour nous faire goûter aux différentes recettes qu'il a concoctées pour nous. Pour cette invitation au voyage, le natif de Rome n'est pas accompagné des musiciens avec lesquels il a l'habitude de jouer. A la contrebasse nous avons Thomas Fonnesbaek et à la batterie Ulysses Owens Jr. Malgré tout, les compères se trouvent à merveille et on est tout de suite frappé par l'équilibre extraordinaire qui se dégage du trio.

Comme évoqué initialement, tous les styles de jazz sont représentés. Des pointes de musique classique viennent s'ajouter à l'oeuvre de l'artiste. Un exercice de style qui nous enchante et dont les compositions sont construites subtilement.

Pour démarrer, on entre tout de suite dans le vif du sujet avec les deux fils conducteurs du CD: liberté et vues à l'image du premier titre: "Free Visions 1". Pieranunzi, passé maître dans les impressions nous emporte avec lui pour contempler un panorama du jazz. La contrebasse nous fait décoller avec un groove unique et guide notre vol. Peu avant l'atterrissage, des questions-réponses se font entendre dans le ciel. Les phrases se poursuivent avec fluidité. A la fin, le trio se pose avec légèreté. La réunion est fantastique et ce même concept se répétera trois fois dans l'album.

Une touche de douceur nous aborde ensuite avec le sublime "Night Waltz", une valse tranquille, très courte aux influences romantiques. Le pianiste se rappelle au bon souvenir de Debussy dont il est un fidèle admirateur. On tourne, on tourne et le film de cette danse nous projette en avant sans trébucher.

Plus loin, les sensations si chères au musicien pointent à nouveau le bout de leurs nez dans "Alt Kan Ske" qui commence avec un solo au piano plus abstrait. Une improvisation folle saupoudrée de chromatismes. Ses deux compagnons de fortune le rejoignent ensuite puis le morceau va crescendo et le rythme s'accélère. Les dialogues sont plus énergiques et la pièce se termine en apothéose par un dernier thème.

Soudain surgit "One for Ulysses": un blues rapide qui sent bon le swing et qui nous montre que Pieranunzi à 69 ans n'a rien perdu de sa superbe et qu'il est encore techniquement très en forme.

Le dernier titre "Orphanes" est un délice latin avec une première partie dont la mélodie à la contrebasse nous illumine. Le piano virtuose enchaîne et part dans un élan caribéen jouant des notes qui modulent sous des airs de Michel Camilo. Ça bouge et cela fait du bien!

Mention spéciale pour cette ultime pièce qui donne la pêche et nous met de bonne humeur à chaque écoute. Une fabuleuse conclusion pour Enrico Pieranunzi qui a su à la fois garder son style, ses couleurs et parcourir plusieurs contrées. Cette envie folle de naviguer entre les genres est un appel à la détente. A chaque escale, ouvrez la fenêtre de la liberté de cette chambre avec vues.

Poulos

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