Le disque qu'il faut avoir dans son Répète Voir...Quoi? Répertoire? The Lost And Found de Gretchen Parlato

Divine et Gracieuse






Divine et gracieuse. Ce sont les premiers mots qui me viennent à l'esprit au moment d'évoquer Gretchen Parlato. La chanteuse américaine, née le 11 février 1976, a commencé à éblouir la planète jazz en 2004 lorsqu'elle remporta le 1er prix de la Thelonious Monk International Jazz Vocal Competition, un des concours les plus prestigieux au monde. Le jury comprenait Quincy Jones, Kurt Elling, Dee Dee Bridgewater et Al Jarreau. L'artiste connue pour son approche latine du jazz a notamment collaboré avec Lionel Loueke, Herbie Hancock, Wayne Shorter, Robert Glasper, Terence Blanchard, Esperanza Spalding et Mark Giuliana dont elle est l'épouse.

"The Lost And Found" sorti en avril 2011 sur le label Obliqsounds Records est son troisième album. Le disque est coproduit par l'immense Robert Glasper qui signe ici de nombreux arrangements. Il était déjà à l'oeuvre dans ce registre sur le précédent opus: "In A Dream". Les musiciens qui accompagnent Gretchen Parlato sont Derrick Hodge à la basse électrique et acoustique, Kendrick Scott à la batterie, Alan Hampton à la guitare et à la voix, Taylor Eigsti au piano, Fender Rhodes et orgue Hammond B3 et Dayna Stephens au saxophone ténor.

Ce qui frappe d'entrée, c'est une douceur inouïe alliée à une précision folle. L'album démarre très fort avec "Holding Back The Years", sublime ballade pop-jazz. La patte de Robert Glasper marque de sa présence le tout. Les choeurs répondent à l'appel de la soliste avec légèreté.

"Winter Wind" s'inscrit dans la même lignée que le précédent morceau avec un peu plus de couleur jazz et d'énergie sur la fin par le biais d'une improvisation collective sur le thème principal tourné en boucle. Principe qui est souvent utilisé par la vocaliste soit au milieu soit en conclusion.

Avec "How We Love", le Fender Rhodes nous entraîne dès les premières notes vers des contrées soul teintées de blues. A relever la technique éblouissante de Taylor Eigsti au clavier qui nous offre ici un merveilleux solo avant que Parlato nous gratifie du sien pour terminer.

"Circling" ressemble beaucoup à "How We Love" avec toutefois une plus grande place laissée à l'improvisation pour Gretchen Parlato qui utilise un peu plus sa virtuosité et sa puissance. Avant cela, l'économie était plutôt de rigueur et à juste titre car c'est tout un art de savoir placer les bonnes notes au bon endroit au bon moment le tout avec une grande justesse.

Une fois n'est pas coutume, "Juju" commence par une intro au saxophone ténor puis la belle pose sa voix incomparable. L'ambiance se veut différente. Un dialogue subtil s'installe. Un échange libre et spontané entre Gretchen et Dayna Stephens qui évolue dans une dynamique constante. Arrivé au sommet, les musiciens redescendent puis continuent d'improviser de manière plus calme.

"Still" démarre à la guitare dans une atmosphère folk. La mélodie est une nouvelle fois magnifique, recherchée et originale.

Le fabuleux "Better Than" pointe ensuite le bout de son nez. Les notes du début rappellent le standard "Like Someone In Love". La voix posée et tout en retenue progresse sur les nappes du clavier. Les impressions du Fender Rhodes et du piano se marient à merveille avec le côté suave de Parlato.

La musique latine si chère à l'artiste se joint à la fête dans le joyeux "Alô, Alô". Les percussions font partie intégrante de l'oeuvre de la chanteuse et dans cette pièce très courte(avec uniquement percussions et chant), cette dernière apporte sobrement son lot de rythmes venus du Brésil.

Les harmonies somptueuses sur "Henya" nous bercent dans une lente atmosphère. Une exagération de la tranquillité souhaitée mais qui n'est pas pour nous déplaire.

L'interlude "In A Dream Remix" avec son côté electro arrive à point nommé afin de reprendre nos esprits pour la suite de l'aventure.

Plus loin surgit le très urbain et glasperien "All That I Can Say". Un délice à l'écoute.

Retour à un tempo plus rapide avec le latin-jazz et emballant "Me And You". Un des morceaux les plus énergiques qui donne encore plus de variations à l'ensemble.

La reprise de "Blue In Green", énorme composition de Miles Davis et Bill Evans, est sans doute le chef-d'oeuvre de la galette. Quelle claque dans les arrangements (merci Glasper!) et dans les l'interprétation! Le titre est totalement revisité et remis au goût du jour à la fois rythmiquement et harmoniquement.

Avec "The Lost And Found", titre de l'album, un souffle de liberté plane sur la pièce qui est peinte comme un tableau dans lequel chaque artiste apporte tour à tour sa couleur. Le saxophone ténor nous offre un très beau solo.

L'émotion est encore au rendez-vous quand on entend "Without A Sound". La guitare joue avec une grande finesse et on pourrait fermer les yeux et se voir suspendu dans les airs. Un bref instant de bonheur en conclusion.

Gretchen Parlato est une des plus grandes chanteuses de jazz de ces vingts dernières années. Sa voix est unique, posée, douce, sensible, tout en retenue. L'artiste a une très grande technique mais en garde volontairement sous le pied à chaque fois. Ce qui est le plus important pour elle c'est l'émotion et de placer les notes nécessaires au moment opportun et elle le réussit à merveille. Les arrangements sont incroyablement beaux et la musique est d'une modernité absolue. Mention spéciale à "Blue In Green", adaptation terrible et à "All That I Can Say" qui symbolise bien l'état d'esprit de l'album. Dans son disque, à mon avis le plus abouti, Gretchen Parlato, par son timbre délicieux, illumine les espaces de façon divine et gracieuse.

Poulos


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