Le disque qu'il faut avoir dans son Répète Voir...Quoi? Répertoire? Both Worlds de Michel Petrucciani

LES LOGES DE LA SIMPLICITE



Le titre peut vous paraître étrange ou venir d'une autre planète. Je reviens sur l'album Both Worlds de Michel Petrucciani dont je vous avais parlé dans mon précédent article du 22 juin 2019 pour cette fois parler plus en détail de ce petit bijou.

Both Worlds, enregistré à New-York est sorti en 1997 sur le label Dreyfus. Il s'agit du dernier album studio de Michel Petrucciani de son vivant (suivront de nombreux CD posthumes) peu de temps avant que l'artiste nous quitte le 6 janvier 1998. Le jour de la fête des rois pour celui qui en fut un au piano. Une énergie débordante, une vitalité sans faille, une joie de vivre, un enthousiasme sans borne. Michel Petrucciani c'était un toucher qui claque et reconnaissable à la première note, une attaque du clavier puissante, un style très technique et démonstratif (mais quelle virtuosité!) et surtout une façon unique de communiquer à travers celle qui faisait, qui était sa vie: la Musique.

Pour en revenir au titre de l'article, c'est justement dans cet album que le pianiste en rajouta moins que d'habitude se rappelant au bon souvenir de Miles Davis qui avait dit: "Pourquoi jouer tant de notes alors qu'il suffit de jouer les plus belles". Un style plus pur, plus fluide et plus simple. On pourrait aussi citer Lester Young et son fameux: "Less is more". Nous allons droit à l'essentiel. C'est moins technique bien que Petrucciani en avait encore sous le pied et largement mais c'est encore mieux. Il en résulte une émotion encore plus belle et une oeuvre aboutie. Quelle merveille il nous laissa pour un dernier album et quels arrangements de Bob Brookmeyer, le tromboniste! Cela sonne comme un big-band alors qu'ils sont 6. C'est un prodige d'orchestration rarement répété depuis.

Dans "Brazilian Like", Steve Gadd passé maître dans les rythmes latins et batteur d'une extrême finesse nous guide et nous fait visiter le Brésil. C'est une percussion de velours sur laquelle ses compagnons de fortune se posent en douceur. Précis et doux en même temps. Cette composition allie samba, bossa, jazz avec une mélodie qui est un mélange entre des accents blues et les influences classiques du pianiste par exemple "Dans l'antre du roi de la montagne", 4ème partie de la première suite de Peer Gynt composée par Edvard Grieg.

Plus loin, le morceau "Chloé meets Gershwin" sent bon le swing et on se croirait dans un roman de Boris Vian. Le titre évoque l'univers de l'écrivain de "L'Ecume des Jours". C'est léger et ça balance pas mal à Paris.

Dans une autre lecture, c'est dans le Sud que les musiciens nous emmènent en voyage avec "Guadeloupe". Il y a même un soupçon de Nino Rota à l'écoute de ces notes.

L'album se conclut magistralement par "On top of the roof" qui pétille, sautille. On a l'impression de se balader sur les toits d'une grande ville européenne comme Londres. De ce morceau sort un enthousiasme inouïe. C'est un digne feu d'artifice et on ne pouvait pas rêver mieux pour terminer cet album.

Deux mondes comme celui d'une section rythmique fabuleuse: Michel Petrucciani est accompagné de Steve Gadd cité plus haut et du légendaire Anthony Jackson(bassiste qui joua aussi avec Michel Camilo et qui est en tournée en ce moment avec Hiromi). La classe du trio se marie à la perfection avec une section cuivres emmenée par Bob Brookmeyer au trombone et aux arrangements, Flavio Boltro à la trompette et Stefano Di Battista au saxophone. Les deux jeunes loups italiens en 1997 étaient au début d'une carrière magnifique.

Parmi les neuf compositions de Michel Petrucciani sur ce CD, mention spéciale à "Petite Louise", sublime ballade en duo avec Stefano Di Battista au saxophone soprano et "Brazilian Like", douce fête latine. Un dialogue pour l'éternité, romantique et inoubliable.

Poulos


Commentaires