La Crème de la Crème



RoundAgain du Joshua Redman quartet (avec Brad Mehldau, Christian McBride et Brian Blade)







L'heure des retrouvailles a sonné pour l'un des quartets mythiques de Joshua Redman composé du saxophoniste (ténor et soprano), de Brad Mehldau au piano, de Christian McBride à la contrebasse et de Brian Blade à la batterie. "RoundAgain" est le dernier album du fils du légendaire Dewey Redman. La galette est sortie le 10 juillet 2020 sur le label Nonesuch Records et a été enregistrée au Sear Sound Studio C à New-York. Il s'agit de la première réalisation de cette formation depuis "Moodswing" en 1994. On y retrouve neuf nouvelles compositions: trois de Joshua Redman, deux de Brad Mehldau, une de McBride et une de Blade. Les membres du groupe n'ont rien perdu de leur superbe et on sent tout le bonheur de jouer ensemble.

L'opus s'ouvre avec "Undertow", une composition de Redman. La ligne pianistique de Brad Mehldau est fabuleuse, subtile, légère, classique à souhait, entraînante et supporte à merveille le thème sobre du saxophone, ce dernier allant droit à l'essentiel et se pliant au jeu de l'économie des notes ceci afin de ne pas surcharger l'accompagnement du clavier déjà très mélodique. Les improvisations s'enchaînent de manière affolante. La précision rythmique est de mise et la technique redoutable. Ce qui est frappant c'est qu'on pourrait croire que c'est plutôt Brad Mehldau qui a créé ce morceau et non pas Joshua Redman. Le genre fait d'avantage penser à celui de Mehldau. C'est dire l'alchimie entre les deux artistes qui ont eu aussi l'occasion de jouer en duo à plusieurs reprises.

"Moe Honk" est une oeuvre de Brad Mehldau en hommage à Thelonious Monk. La basse du clavier est typique du pianiste légendaire, l'ambiance est déjantée, l'atmosphère se veut étrange, les envolées du saxophone sont magistrales. Le quartet se lâche et surtout s'amuse! Les clins d’œil à l'univers de Monk sont multiples notamment dans les phrases.

Puis vient le tour de "Silly Little Love Song", pièce de Joshua Redman dans laquelle on entend toutes les attirances pop. Au final, cela ressemble énormément au standard "Mercy Mercy Mercy" de Joe Zawinul popularisé par Julian Cannonball Adderley, une des influences majeures de Redman. C'est festif, enthousiaste, dynamique et dansant! Le morceau se termine en apothéose par un solo de Joshua Redman.

"Right Back Round Again" aussi de Redman est joué sur un tempo plus rapide et aux accents à mi-chemin entre le funk et le latino. Un terrain de jeu extraordinaire dans ce jazz aux différents mélanges que cela soit pour la pêche du saxophone ou la virtuosité du piano. L'esprit est chaloupé et l'instant hancockien.

Avec "Floppy Diss" de McBride, le style est euphorique. Le dialogue de l'humour prend place au sein d'un swing tranquille. Les notes pétillent et le divertissement s'installe!

"Father" est une oeuvre de Brad Mehldau. On reconnaît immédiatement la patte du maître que cela soit dans l'harmonie recherchée, la mélodie teinte de musique classique, de jazz et de Radiohead, la subtilité et l'originalité. La brève introduction du piano est magique. Les échanges entre Mehldau et Redman sont somptueux! Chacun laisse tour à tour un moment à l'autre sans pour autant l'engloutir ou envahir son espace. L'équilibre est parfait et le partage grandiose!

Pour terminer, "Your Part to Play" résonne comme une berceuse. Cette ballade de Brian Blade interprétée tout en retenue au début par Christian McBride à la contrebasse, laisse une part belle à l'improvisation libre. Le ton monte progressivement, telle une tempête, la formation se défoule. Arrivé au sommet, le calme revient. Le piano et le saxophone reprennent le thème tendrement en question-réponse. Par la suite, les musiciens s'éteignent doucement.

En conclusion, cet album est une réussite et il fait beaucoup de bien à nos oreilles. Certes, il est trop court à mon goût mais il vaut mieux quelque chose de trop court mais abouti et au point qu'un opus plus long avec une inégalité au niveau des performances! L'écoute entre les musiciens est hallucinante, les compositions magnifiques et on observe à quel point les compagnons de route on fait leur chemin et développé leur propre style, leur langage unique. La réunion est marquée par des idées plus développées, une maturité musicale et artistique et une justesse omniprésente. Mention spéciale à "Father" de Brad Mehldau pour sa communication pratiquement télépathique entre les protagonistes et "Undertow" de Joshua Redman dont le lyrisme sublime du piano et du saxophone hantera les esprits pendant encore très longtemps. Vous étiez en manque d'ingrédients pour votre dernière recette sonore?Choisissez le disque "RoundAgain"! Je vous souhaite une bonne dégustation avec la crème de la crème.

Poulos


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